Je n’avais pas remarqué dans l’heure suivant les résultats mais c’est la Une de Les Echos du 19/06/2017 qui a attiré mon attention. La victoire de La République En Marche (LREM) a été associée à l’idée de renouvellement et de recomposition du paysage politique. Quoi de plus naturel donc que de représenter cette vague en marche avec un schéma de l’hémicycle, représentation emblématique de l’Assemblée.
Une vague de quelle couleur?
Si le rose est associé au PS (Parti Socialiste) et le bleu à LR (Les Républicains) et leurs alliés UDI, avez-vous remarqué qu’il n’y a pas d’harmonisation pour colorer LREM? La jeunesse de la formation peut expliquer en partie les divergences dans les choix, mais si on se base d’un point de vue Dataviz et Storytelling politique, le sens de la couleur n’est pas le même.
Jouons au jeux des différences
Ici RTL:
Là, Les Echos:
RTL met l’accent sur des personnes. Chaque élu est un point correspondant à un siège, Les Echos choisissent le demi « donut », qui donne plus d’impact car la surface est plus dense que le pointillé. L’image d’un soleil levant, signe d’un renouveau…
Dans une lecture d’une nouvelle vie politique émergente, on peut en effet présupposer qu’une vision par élu est plus pertinente car lors du prochain vote de confiance, il est raisonnable de penser que des points LREM apparaissent au delà des zones de couleur qui donne une impression de blocs, certainement encore friables. Rien ne dit d’ailleurs que des taches dissonantes ne se fassent pas jour au cœur de LREM.
Chose délicate aussi en Dataviz: synthétiser sans caricaturer. les Echos affichent une légende qui mérite des yeux affûtés. La faute à l’explosion de part et d’autre de LREM qui oblige à affiner le nuancier de l’infographiste politique!
Les écolos auront aussi remarqué que le vert a disparu de l’hémicyle alors qu’il y a bien 1 élu dans le Doubs
Recomposition ou transformation?
Mais surtout, RTL choisit le violet, là où Les Echos prennent le parti du jaune. Le violet est obtenu en mélangeant le rouge et le bleu. Implicitement, RTL pousse l’idée, débattue d’ailleurs, que LREM représente un mouvement de recomposition « et droite et gauche », siphonnant les partis traditionnels. D’ailleurs, le Modem, orange comme son logo, tranche avec le violet et n’indique pas intuitivement une alliance naturelle.
Dans le choix de la couleur jaune, couleur proche du orange, LREM symbolise plutôt une transformation du paysage avec l’apparition d’une force centriste (les UDI étant alliés de la droite) conséquente, force prête à phagocyter le Modem dont la distinction orangée est bien moindre.
Sur le schéma en siège de cNews, le Modem disparaît complètement dans une fusion assumée couleur violette.
Pour finir de s’y perdre la représentation de LaTribune (qui reprend celle de FranceInfo:) met le jaune pour les régionalistes et colorie également Modem et LREM tous les deux en violet.
Recomposition prochaine aux extrêmes?
Il y aurait beaucoup à dire aussi sur le FN (Front National): tantôt noir ou gris foncé, tantôt bleu foncé. Là encore, est-ce la volonté du media de suggérer des compatibilités d’association (avec la droite) ? Pas sûr que les médias soient si intentionnelle dans leur choix mais il l’œil humain est naturellement réceptif aux couleurs.
A l’extrême gauche, La France Insoumise est couleur « brun » sur cNews et RTL, là où Les Echos restent sur du rouge, traditionnellement la couleur des communistes, voire même du rose vif. Le début d’une consolidation à gauche?
Je ne prête pas forcément d’intentions aussi poussées aux médias français mais si les choix sont assumés, il est nécessaire de les expliciter, ou alors de les normaliser. Car la couleur, c’est l’information qui est interprétée en premier par notre œil reptilien. Le nuancier utilisé prend donc forcément part à la ligne éditoriale.
De la même manière qu’un tableau de bord d’une société affichant un feu rouge à côté de la marge est immédiatement interprété comme une alerte, le choix des couleurs pour représenter des forces politiques ne dot pas être laissé au hasard, sous peine d’interprétation partiale.